Les volcans gardent leur feu sacré
Expression de volontés souterraines colériques, mais aussi protecteurs et symboles de fertilité, les volcans sont intimement liés aux traditions des populations qui les côtoient.
Les volcans ont toujours été l’habitat privilégié des divinités du feu. Les forges de Vulcain seraient en Italie, sous le Vulcano. Yahvé, dieu hébreu, apparaît dans la Bible comme un volcan, tandis que les Incas craignaient Pachacamac, dieu « sismique » lanceur d’étincelles. Née en 1963, l’île islandaise de Surtsey fut pour sa part baptisée en l’honneur de Surtur, dieu du feu.
La plupart des volcans, vénérés et souvent craints, ont été l’objet de véritables cultes, assortis de pèlerinages et d’offrandes, voire de sacrifices. À la fois destructeurs et générateurs de fertilité, ils imposent à l’homme de vivre avec eux tout en les vénérant, pour les remercier et calmer leurs colères.
Leur personnification est forte, souvent accompagnée de connotations sexuelles et/ou de fécondité. Des peuplades péruviennes considéraient ainsi que le volcan Misti engendrait or, argent et autres métaux parce qu’il était fécondé par l’éclair.
Les volcans sont aussi source d’inspiration artistique ; des représentations d’éruptions existent dès le Néolithique, bien avant toute ébauche de volcanologie (voir repère).
Quelques portraits
Reine des volcans hawaiiens, la déesse Pélé, incarnée par une jeune femme aux longs cheveux, est installée dans un cratère du volcan Kilauea (*). Les hawaiiens lui font de nombreuses offrandes lors de cérémonies annuelles.
L’île grecque de Santorin est associée au mythe de la légendaire Atlantide, décrite par Platon. Une grosse éruption au XVIIe avant J.-C., et le tsunami associé, auraient fait disparaître de Crète la civilisation minoenne pour en sanctionner la décadence (*).
Pour les Massaïs de Tanzanie, le volcan Lengaï représente un véritable dieu vivant, qui leur aurait fourni le bétail. Non loin de là, le sommet du Mawenzi est dentelé car son voisin, le célèbre Kilimandjaro, « excédé par ses demandes répétées pour avoir du feu, lui asséna de grands coups de pilon ».
En Sicile, les coulées de l’Etna seraient les rivières de sang du berger Acis, écrasé par un cyclope pour avoir enlevé la nymphe Galatée. Selon une autre légende, c’est le géant Encelade, enfoui sous l’Etna après s’être révolté contre les dieux, qui provoquerait encore séismes et éruptions. Des processions ont lieu en l’honneur de saints protecteurs italiens : Sainte Agathe face à l’Etna, Saint Janvier pour éviter à Naples les fureurs du Vésuve.
Sur l’île de La Réunion, la Vierge au Parasol protège gens, terres et biens des colères du Piton de la Fournaise. Si une première statue fut emportée par une coulée en 1961, la Vierge actuelle est au cœur d’une grande procession, à l’occasion du 15 août.
Les volcans indonésiens furent le théâtre de rites allant jusqu’au sacrifice humain. De nos jours, lors de la fête du « Kesodo », la minorité hindouiste se rassemble au bord du cratère du volcan Bromo (Java) et y jette des offrandes. En même temps, des musulmans, agrippés aux parois du cratère, attrapent au vol cette manne adressée à Brahma (*).
Symbole japonais de pureté et d’éternité, le Fuji-San est sous la tutelle de la déesse Fuji, réputée très jalouse. L’ascension du volcan fut interdite aux femmes jusqu’en 1925. Chaque année, des milliers de pèlerins gravissent son cône parfait.
Nombre de ces traditions liées aux volcans, parfois très anciennes, perdurent encore largement aujourd’hui.
(*) voir Repères
A l’origine de multiples querelles
L’étude des volcans fut elle aussi concernée par des représentations parfois épiques. Dès l’Antiquité, Platon imagine un fleuve de feu souterrain alimentant les volcans, tandis qu’Aristote insiste sur le rôle des vents, dont « les turbulences dans ces montagnes creuses enflamment pierre, soufre et bitume ».
Au XVIIIe, une querelle fit rage entre « neptunistes » et « plutonistes ». Les premiers donnaient une origine marine aux roches volcaniques, issues d’un océan primordial. À l’inverse, les « plutonistes » défendaient l’idée d’une chaleur interne, dont les volcans étaient l’expression en surface et les roches les produits. Le discours religieux de l’époque pencha pour les neptunistes ; ainsi de Bernardin de Saint-Pierre, pour qui les volcans étaient en quelques sortes les « incinérateurs » de la planète après le Déluge, brûlant la matière organique charriée par les fleuves et les courants marins.
Le XIXe verra la théorie des « cratères de soulèvement » engendrer une autre querelle, en prônant l’émergence spontanée des volcans : ceux-ci étaient censés « pousser » d’un bloc par un gonflement terrestre localisé, au lieu de se construire par accumulation de laves !